L’odorat


Quel rôle joue l’odorat dans la dégustation
L’odorat est un des premiers sens utilisés par l’être humain. Ainsi on a observé que le bébé au 3e jour de sa vie tourne instinctivement la tête vers l’endroit d’où provient l’odeur de sa mère.
Ce sont aussi les odeurs qui restent le plus longtemps en mémoire, leur souvenir est souvent fortement attaché à des émotions, des personnes ou des moments de notre vie très précis.

Illustration littéraire
La madeleine de Proust ou la réminiscence liée au goût
Voici un texte écrit par Marcel Proust, extrait de À la recherche du temps perdu – Du côté de chez Swan, qui reprend ce rapport étroit qu’entretiennent goût, odorat et mémoire :
« Il y avait bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse : ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. J’avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D’où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu’elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu’elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D’où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l’appréhender ? […]
Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés depuis si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé ; les formes – et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot – s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des autres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. »
(fin de Illustration littéraire)
Ce n’est pas pour autant un sens très étudié, les découvertes scientifiques sur son mécanisme n’ont que quelques années.

Le fonctionnement physiologique de l’odorat
L’odorat est le sens capital pour la perception du goût des aliments. En fait, ce que l’on appelle communément le goût ne vient pas d’informations transmises par la langue ou l’intérieur de la bouche mais par le nez. Ce qui explique que, lorsque l’on est très enrhumé et que notre nez est très encombré, nous ne percevons plus le goût de l’aliment.
Organisation des récepteurs de l’odorat (titre schéma)
Les molécules odorantes peuvent emprunter deux chemins :
Soit elles passent par la voie nasale, elles sont alors appelées « odeurs ».
Soit elles passent par la voie rétro-nasale qui joint le fond de la bouche au nez, elles sont alors appelées « arômes ».
Les molécules se fixent alors sur les récepteurs de la muqueuse olfactive située dans le nez.
Ces récepteurs transforment ces informations en signaux électriques qui rejoignent dans le cerveau la zone de la mémoire où ils seront comparés à d’autres souvenirs olfactifs.
Les informations ainsi transmises au cerveau seront celles qui nous feront dire que cette fraise à un « goût » de fraise mais également, si l’on est très attentif, que ce « goût » de fraise est mélangé à un « goût » de miel ou de fleur.

Pour approfondir
Pour approfondir vos connaissances sur l’odorat et l’alimentation vous pouvez consulter en ligne La chimie au service du goût de Patrick Etiévant, au format pdf.
Ces arômes vont permettre au dégustateur de jouer sur ses perceptions et d’affiner ses préférences. Sur un même aliment, prenons l’exemple de la fraise : les différences d’arômes entre 2 variétés comme la fraise « Mara des bois » et la fraise « Gariguette » peuvent provoquer des sensations de plaisir très différentes. Elles possèdent toutes deux un arôme de fraise et pourtant elles n’ont pas le même « goût ». Même si elles sont cultivées dans les mêmes conditions, la même terre, la même exposition au soleil, etc …

La qualification des odeurs
Une des difficultés majeures est qu’il n’existe pas un vocabulaire propre à l’odorat, comme pour les autres sens (on peut caractériser une texture : rugueuse ou lisse, un son : aigu ou grave, etc…). Pour parler des odeurs, nous sommes obligés d’utiliser des analogies : ça sent comme la rose, l’orange, la menthe, le café, …
C’est pourquoi, si nous différencions facilement les odeurs (l’homme est capable de différencier des dizaines de milliers de molécules odorantes), nous avons du mal à les caractériser et la différence entre un dégustateur professionnel et nous, ne se base pas sur une meilleure perception des odeurs mais sur sa capacité à leur trouver une correspondance avec une odeur ou un arôme connu.


Voici un exemple de classement par famille d’odeurs
Fruité : Pomme – Pêche – Poire – Coing – Pruneau – Cassis – Fraise – Cerise – Mûre – Framboise – Fruit rouge – Fruit noir – Fruit exotique – Fruit cuit – Fruit confit – Amande – Noix – Noisette
Floral : Œillet – Rose – Violette – Fleur rouge – Fleur Blanche – Camomille – Tilleul – Verveine – Menthe
Végétal : Herbacé – Buis – Poivron – Humus – Bourgeon de cassis – Champignon – Truffe – Sous-bois
Minéral :Pierre à fusil – Iode – Silex
Épicé / sucré: Cake – Miel – Nougat – Cannelle – Cardamome – Poivre – Girofle – Thym – Laurier – Réglisse/Anis
Fermentaire : Brioche – Mie de pain – Biscuit – Levure – Cire d’abeille – Bonbon anglais
Animal : Cuir – Fourrure – Gibier – Venaison – Jus de viande – Musc – Faisandé – Bouc
Empyreumatique : Cacao – Pain grillé – Pain d’épices – Tabac – Thé – Café – Caramel – Torréfié – Fumé – Brûlé
Boisé :Balsa – Pin – Cèdre – Résine – Vanille – Eucalyptus
Chimique : Madérisé – Rancio – Pétrole – Goudron – Chlore – Soufre – Œuf pourri – Colle – Carton mouillé

Conseils pour la dégustation
Apprenez à identifier les odeurs. Au départ, l’identification des odeurs et des arômes vous semblera un travail insurmontable. Mais lorsqu’on s’entraîne régulièrement, notre mémoire nous redonne, avec le souvenir de l’odeur ou de l’arôme, un nom associé qui nous permet de la caractériser.
Pour commencer cet entraînement, vous pourriez conserver dans des flacons un certain nombre d’odeurs caractéristiques, ce qui vous permettrait de vous y référer lorsque vous avez un doute. Pour vous aider, vous pourrez vous référer au classement présenté ci-avant.