L’art du marquage de pommes

Les premières traces écrites de cette pratique remonte à Séville au XIIe siècle.  L’agronome et médecin arabo-andalou Ibn Al-‘Awwâm offre une description détaillée du marquage et ajoute que la technique peut être appliquée aussi aux prunes.

Illustration ©srhm

 Chapitre 15, Recettes curieuses et procédés ingénieux employés à l’égard de certains arbres et de certaines plantes

(…) Autre procédé.

Quand on veut avoir des pommes portant des caractères d’écriture ou des figures (dessinées), on choisit une pomme dont la condition est de se colorer d’une teinte rouge bien prononcée, on la prend quand elle a atteint sa grosseur, avant qu’elle n’ait encore sa couleur rouge. Vous écrivez sur la surface ce que bon vous semble, ou vous dessinez ce qui vous plaît avec de l’encre, suivant d’autres avec la teinture employée pour la laine, ou du blanc d’œuf, ou de la teinture à émailler la poterie, ou de l’alun dissous dans l’eau, ou du plâtre liquide, ou de la poix fondue. Enfin on se sert pour tracer l’écriture ou le dessin de celle des substances qu’on a à sa disposition. On emploie un calame à pointe grosse, on couvre d’une natte pour empêcher que la rosée ou la pluie ne lavent les traits ou qu’ils soient effacés par le frottement des feuilles ou celui des fruits l’un contre l’autre. On laisse la pomme attachée à l’arbre jusqu’à ce qu’elle ait pris une teinte rouge bien uniforme. On passe alors la main sur la partie où se trouve l’écriture ou le dessin, ou bien on la lave avec de l’eau. Ces caractères ou formes restent blancs ou verts sans la moindre nuance de rouge quand tout le reste l’est, ce qui est d’un bel effet. On peut opérer de même sur la prune de Damas rouge ou noire quand elle est encore verte, avant qu’elle n’ait pris sa couleur habituelle.

Plus tard au XVIIIe siècle, L’abbé Roger Schabol auteur d’un traité sur le jardinage dont de nombreux passages évoquent les pratiques de Montreuil, s’émerveille de cette technique.

“ Quelques curieux se plaisent à empreindre sur les pêches des armoiries, des devises, et à y dessiner de petits cartouches, des fleurs, et divers compartiments. Rien de plus aisé que de s’amuser de ces plaisirs innocents, enfants de l’industrie et du loisir. Découpez des papiers à jour, représentant tel dessin qu’il vous plaira, et de la grandeur de la pêche dans sa partie qui répond en face du soleil, et collez les avec de la gomme ou du blanc d’oeuf sur ce fruit, lorsqu’il est au deux tiers de sa grosseur, et qu’il est tout à fait vert, avant que d’avoir pris couleur. Quand la pêche est en état d’être cueillie, on la détache de l’arbre, puis on la mouille, le papier se lève, et on voit que tout ce qu’il a ombragé est jaunâtre ou blanchâtre, tandis que la partie frappé par le soleil est d’un beau pourpre, le dessin figuré par ce papier découpé, y paraît régulièrement exprimé. On a soin de garder des doubles de ces découpures qu’un orage ou quelque accident peut détacher, pour le remettre précisément à la même place. Le partie le plus sûr est de pratiquer au dessus des fruits un petit auvent qui , sans leur porter ombrage , en éloigne les pluies, les rosées de la nuit et les brouillards.”

Mais qui sont ces “curieux” qui au XVIIIe siècle s’amusent à poser des armoiries de papier sur les pêches. Les “curieux” sont des personnes épris de savoir et de l’amour de la collection. Le plus souvent il s’agit de nobles ou d’ecclésiastiques.

Armoiries royales du Royaume-Uni sur calville photo©srhm

Pour marquer les pommes il faut au préalable empêcher le soleil de colorer les fruits et cela dés que la petite pomme à la taille d’une noix. Depuis toujours les cultivateurs de Montreuil utilisent des sachets de papier. Les technique d’ensachage ont été très largement décrites par Léon Loiseau dans son livre de 1903.

Le marquage commence environ trois à quatre semaines avant la date supposé de maturité des pommes.

Pour faire tenir les pochoirs en papier sur la fine peau des pommes nous utilisons de la gélatine de pâtisserie. Pour pouvoir utiliser du blanc d’œuf ou la fameuse bave d’escargot souvent évoquer dans l’histoire des murs à pêches il faut pouvoir protéger les fruits de la pluie. Par le passé les auvents des murs à pêches permettaient de protéger les fruits de la pluie.

La gélatine est préparée en mettant une part de poudre dans quatre parts d’eau. Le mélange est ensuite chauffé doucement au bain-marie. La gélatine tiède est appliquée sur la pomme au pinceau puis on pose le pochoir légèrement humidifié au contact d’une éponge sur la gélatine. Il se plaque sur la pomme et un petit coup d’éponge permet de retirer l’excédent.

Selon les variété après environ deux à trois semaines, le soleil a fait son office en colorant la peau des pommes. Il suffit ensuite de cueillir les pommes bien colorées et de les passer sous une eau tiède pour retirer le pochoir et découvrir le motif.

A Montreuil depuis le XVIIIe siècle le pochoir est en papier et est posé avec un produit naturel ce qui prend plus de temps que l’utilisation des stickers alimentaire très pratique réalisé par nos amis Japonais. Et tant pis si comme le disait Louis Aubin en 1933 “l’art ne paye pas cher en arboriculture”

L’association réalise ses propres pochoirs et les fait découper au laser dans une entreprise en Bourgogne. Vous pouvez en acheter lors de nos ouvertures mensuelles.

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