La fraise

Photo : Olivier Aubry

Botaniquement la fraise appartient à la classe des Magnoliopsida, la sous-classe des Rosidae, l’ordre des Rosales et la famille des Rosaceae. Les Rosaceae constituent une importante famille, tant par le nombre des espèces que par la diversité végétative1 et florale de ses représentants. Ainsi une Rosaceae ne peut pas se reconnaître de prime abord. Dans le monde, on compte environ 94 genres et 3 000 espèces. Elles vivent sensiblement dans toutes les contrées du monde, mais elles sont surtout abondantes dans les régions tempérées de l’hémisphère Nord.

Cette famille peu homogène regroupe aussi bien des plantes herbacées comme le fraisier, remarquable par ses tiges rampantes ou stolons2, que des arbustes (rosiers, ronces, framboisiers) ou des arbres (pêchers, pommiers, poiriers, cerisiers, pruniers…). Ces arbres fournissent les principaux fruits des régions tempérées. Les feuilles sont toujours alternes3 et stipulées4. Primitivement, elles étaient composées5, imparipennées6 avec des folioles7 dentées. L’évolution s’est traduite par deux tendances : confluence des folioles entre elles ou réduction à trois folioles comme chez le fraisier (ou même, en cas de surévolution, à une seule foliole comme chez la majorité des fruitiers : pêchers, pommiers, poiriers, cerisiers, pruniers…). Le fraisier est une plante à cymes8 pauciflores (qui a peu de fleurs). De par leur forme, les fleurs sont dites actinomorphes (ou fleurs régulières) et présentent une symétrie axiale. Comme à l’habitude, il est possible de déterminer une représentation mathématique de la fleur. La formule florale permet de connaître la forme globale de la fleur et le nombre de chaque élément. Ainsi pour le fraisier, nous avons : F (A) = 5s + 5 S + 5 P + 20 E + n C, soit Fleur (Actinomorphe) = calicule de 5 pièces + 5 sépales + 5 pétales libres et caducs + 20 étamines + nb indéterminé de carpelles. Tout comme pour le pissenlit, le chardon ou le chou, le fraisier appartient aux dicotylédones. La fleur typique des dicotylédones présente une symétrie d’ordre 5 (ou parfois 4) et quatre verticilles (sépales, pétales, étamines et carpelles). Si le premier critère se vérifie ici (pièces multiples de 5), nous pouvons constater la présence de cinq verticilles. Ainsi, les 5 sépales libres sont ici doublés vers l’extérieur par un calicule (ou second calice) de 5 petites pièces vertes. Il s’agit d’un des critères de détermination du genre Fragaria, nom latin du fraisier. Le fruit, très variable selon les espèces, sert de base à la classification.

La famille des Rosaceae est divisée en un certain nombre de sous-familles et de tribus pour lesquelles la forme du réceptacle floral a une profonde influence sur le nombre et la nature des pièces florales et, par conséquent, sur la nature du fruit (akène9 ou drupe10). Pour les fruits les plus simples, le réceptacle est plan ou très légèrement concave. Les carpelles11 sont alors multi-ovulés et peu nombreux. Au fil de l’évolution, le nombre d’ovules par carpelle va se réduire pour aboutir à un ou deux ovules par carpelle (dans ce cas, le second avorte presque toujours). Dans le même temps, le nombre de carpelles s’accroît. Ceci est rendu possible par l’augmentation de la surface du réceptacle floral par bombement qui résulte d’une extension du pédoncule floral.


Ainsi, contrairement aux idées reçues, la fraise n’est pas un fruit mais un faux-fruit, issu du gonflement du réceptacle floral. Les très nombreux carpelles libres sont insérés sur le réceptacle bombé qui, au fil du temps, devient charnu pour former la fraise. Les véritables fruits du fraisier se nomment akènes et couvrent la surface du réceptacle. Pour le fraisier, botaniquement, le fruit est donc un polyakène. Si l’on considère l’organe commercialisé que l’on consomme (fruit dans son ensemble), la fraise est un fruit complexe formé en grande partie par le réceptacle floral charnu portant de nombreux akènes. La pollinisation des fraisiers est assurée à la fois par le vent (contribution de 8 %), par la gravité (contribution d’environ 80 %) et par les insectes (contribution de 20 à 25 % en fonction des conditions climatiques). Les trois conjugués assurent une bonne pollinisation, c’est-à-dire des fruits bien formés. Les fleurs sont pollinisées par plusieurs familles d’insectes : diptères (syrphes), thysanoptères (thrips), lépidoptères et divers apoïdes sauvages. La durée et l’importance du contact entre l’insecte et la fleur influencent la qualité de la pollinisation. De ce point de vue, les abeilles domestiques sont appréciées pour la pollinisation des fraisiers puisque leur taille plus importante leur permet un contact avec toutes les étamines. Elles tournent sur le réceptacle floral pour atteindre les glandes nectarifères et passent de 7 à 10 secondes par fleur. On peut dire qu’elles ont une meilleure efficacité pollinisatrice. Les bourdons ont une efficacité pollinisatrice similaire à celle des abeilles mais ils sont peu attirés par les fraisiers. L’aire de distribution du fraisier correspond à tout l’hémisphère Nord (régions au nord du tropique du Cancer). À l’état sauvage, il existe une vingtaine d’espèces et d’hybrides de fraisier en Europe. En France, nous pouvons recenser trois espèces et un hybride. Ces derniers se distinguent par la longueur et la couleur du fruit, la pilosité du pédicelle, la longueur des sépales, la forme du calice après floraison, la présence ou non d’écailles sur chaque entrenœud. Le Fraisier des bois ou Fraisier sauvage (Fragaria vesca), 10-30 cm, est sans doute l’espèce la plus connue. Il s’agit d’une plante qui croît en colonie, à longs stolons grêles qui se développent assez tard en saison (avril-juillet). Les folioles sont généralement longues de moins de 8 cm et à 15-23 dents. Le pédicelle porte des poils couchés à étalés. Il fleurit d’avril à juin. Espèce de demi-ombre, ses milieux de prédilection sont les lisières et les clairières forestières. Ses habitats secondaires (ou de substitution) sont les coupes forestières, les talus, les bords des chemins et des routes. D’affinité euro-sibérienne, il s’observe dans presque toute la France (0-2000 m). Cette plante est très largement répandue dans l’ensemble de l’Île-de-France.

Le Fraisier musqué (Fragaria moschata), 10-40 cm, est une espèce très proche de Fragaria vesca. La distinction s’effectue généralement par l’observation des pédicelles, des réceptacles et des folioles. Cette plante est longuement stolonifère. Les folioles (4 à 10 cm) sont fortement dentées (23-27) et nettement pétiolulées12. Le pédicelle porte des poils nettement dirigés vers le bas. Le Fraisier musqué fleurit d’avril à juillet. Contrairement à l’espèce précédente, la fraise se détache peu à maturité. Espèce de demi-ombre, ses milieux de prédilection sont les forêts clairiérées à humus doux, les coupes et lisières forestières. Principalement signalé dans les environs proches de Paris par les flores anciennes, cette espèce, parfois cultivée, a été importée d’Europe centrale au XVIe siècle. D’affinité centre-européenne et caucasienne, le Fraisier musqué s’observe uniquement dans le quart Nord-Est de la France (0-600 m). Cette espèce est considérée comme très rare en Îlede-France. Elle a été déterminée de manière certaine à Chérence (91). Toutefois, étant donné que cette plante se confond facilement avec F. vesca, sa répartition régionale doit être réétudiée. Le Fraisier vert (Fragaria viridis), 10-20 cm, est également une espèce proche de Fragaria vesca. Elle s’en distingue par la présence d’une écaille sur le 1er entrenœud (les suivants sont assez courts et nus) et par le fait que les poils des folioles forment des pinceaux qui dépassent les dents marginales. Il fleurit de mai à juin. D’affinité eurasiatique continentale, cette espèce se développe sur des sols secs, riches en bases, et ensoleillés. Ses milieux de prédilection sont les pelouses et ourlet13 calcicoles, fruticées14 thermophiles. Cette espèce est ainsi distribuée en France continentale sur substrat calcaire (0-1600 m). Elle est localement abondante dans le quart Nord-Est, plus dispersée et peu commune dans le reste du pays, avec des lacunes (Bretagne, Limousin, Landes). En Île-de-France, le Fraisier vert est considéré comme très rare. Il se répartit principalement dans le Gâtinais, la vallée de l’Essonne, le massif de Fontainebleau et le bocage gâtinais. Il est très localisé ailleurs (boucle de moisson, forêt de Saint-Germain, forêt de Beynes, environs de Provins…).

Les populations de Fraisier vert sont stables sur le territoire francilien (la perte des milieux pelousaires est compensée par le développement des fruticées). Toutefois, les stations les plus proches de Paris ont disparu.
Cette espèce très rare est inféodée à des habitats rares et/ou menacés. Elle bénéficie d’un statut particulier puisqu’elle est inscrite sur la liste des plantes dont la présence peut justifier de la création d’une Zone Naturelle d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique ou ZNIEFF (Conseil scientifique régional du patrimoine naturel et Direction Régionale de l’Environnement d’Île-de-France, mars 2018). Une ZNIEFF se définit par l’identification d’un secteur du territoire particulièrement intéressant sur le plan écologique, où ont été identifiés des éléments rares, remarquables, protégés ou menacés du patrimoine naturel. On distingue les ZNIEFF de type I, qui sont des secteurs de grand intérêt biologique ou écologique, ainsi que les ZNIEFF de type II, qui sont de grands ensembles naturels riches et peu modifiés, offrant des potentialités biologiques importantes. En Île-de-France, on dénombre 630 ZNIEFF de type I pour une superficie de 72 176 ha, soit 17,02% du territoire régional, et 98 ZNIEFF de type II pour une superficie de 205 361 ha, soit 17,02% du territoire régional. Fragaria x ananassa est un hybride F. chiloensis (Chili) x virginiana (Amérique du Nord) dont dérive la plupart des fraisiers cultivés. Il se distingue des fraisiers indigènes par la pilosité faible ou nulle de la face supérieure des folioles, qui sont coriaces et munies de nervures latérales nettement courbées. Le calice et le calicule comprennent souvent plus de 5 pièces. Dans le Nord de la France, il est possible de trouver deux hybrides issus des fraisiers indigènes : F. intermedia (hybride de F. moschata x vesca) et F. hagenbachiana (hybride de F. vesca x viridis).

1 Végétatif : qui concerne la croissance et la nutrition des plantes.

2 Stolon : tige grêle qui rampe sur le sol. Elle présente des entrenœuds qui émettent des racines pour fixer la plante au sol.

3 Alternes : les organes d’une plante sont dits alternes lorsqu’ils sont insérés isolément et à des niveaux différents sur une tige ou un rameau.

4 Stipulé : les stipules sont des pièces foliaires, au nombre de deux, en forme de feuilles réduites situées de part et d’autre du pétiole, à sa base, au point d’insertion sur la tige.

5 Composée : qualifie une feuille divisée en plusieurs folioles.

6 Imparipennée : qualifie une feuille composée à nombre impair de folioles.

7 Foliole : chaque division du limbe d’une feuille composée.

8 Cyme : inflorescence dans laquelle tous les axes se terminent par une fleur.

9 Akène : fruit sec ne s’ouvrant pas à maturité et ne contenant qu’une seule graine.

10 Drupe : fruit charnu renfermant un noyau.

11 Carpelle : unité de base de l’organe reproducteur femelle de la fleur, il s’agit d’une enveloppe protectrice qui enferme les ovules.

12 Pétiolulé : pourvu d’un très court pétiole (partie rétrécie de la feuille qui relie le limbe à la tige).

13 Ourlet : c’est le premier étage végétal d’une lisière ou d’une haie. Constitué de plantes herbacées, il assure la transition entre le milieu prairial ou les cultures et le milieu forestier. Étant l’étage le plus facile à dégrader, il est l’un des premiers signes de perte de qualité écologique d’une lisière ou d’une haie.

14 Fruticées : formation végétale de transition où dominent des arbustes, des arbrisseaux et des sous-arbrisseaux.

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